Gardienne de Causse 3

Auteur : Sophie Viescou

Structure

Hier après-midi… peu importe quand en vrai

J’ai passé un temps à la bergerie à préparer une colle, à base de chaux et de sable « renard » (parce qu’il est roux), en compagnie d’un voisin de Causse pour recoller dans l’encadrement de la porte une pierre qui s’en était détachée il y a bien longtemps déjà. Il a fallu prendre le temps de retrouver sa position originale, gratter, enlever de la matière pour qu’enfin cette pierre reprenne sa juste place (voyez-vous l’analogie ?).

Vous le savez peut-être, le Gardien du lieu s’appelle Guindal, cette pierre fantastique à 3 faces remarquables. Et j’ai demandé à mon voisin : « Guindal a-t-il des enfants ? », « Oui, toutes les pierres sont ses enfants » m’a-t-il répondu. Alors j’ai dit : celle-là (celle que nous étions en train de réinstaller) s’appellera « Fille de Guindal » à défaut de lui avoir trouvé un nom .

L’expérience m’a enthousiasmée.

Puis je suis rentrée chez moi parce qu’un ami venait passer la nuit au cours de son périple vers chez lui… Et il m’a partagé ses ressentis à propos d’une randonnée pendant laquelle il s’est vu reprocher son extrémisme à propos de la nourriture… et m’a fait part de ses prises de conscience. Et là j’ai vu comment cela résonnait avec mon propre extrémisme qui est souvent moqué mais le mien n’est pas à propos de la nourriture…

En effet, je le reconnais… Lorsque j’enlève une tique à Yalla, ou même sur moi, je la remets au sol et lui souhaite un bon voyage et de trouver un autre hôte… Il me semble que c’est ce qui choque le plus les gens quand j’en parle. Mais pour moi chacun à sa fonction, même si c’est celle de transmettre des maladies qui parfois s’avèrent mortelles, chacun sa fonction donc, quelle qu’elle soit elle est légitime puisqu’elle existe.

Les moustiques aussi, moi, quand ils me piquent, je les regarde et c’est une vraie joie de voir la goutte de sang monter dans leur trompe, oui je vois les regards amusés ou moqueurs mais je ne vois pas pourquoi j’écraserais d’un geste rageur cette jeune femelle pleine de futurs bébés (oui pour ceux qui ne savent pas ce sont les femelles qui piquent pour nourrir leurs petits). Et vous savez la meilleure, c’est qu’avec ce regard amoureux, la piqure ne démange pas… Pas de résistance, pas d’effet boomerang 😉.

Bref, les renards, les blaireaux, les ragondins, les rats, les souris, les frelons, les guêpes… Tous sont mes amis… Tous ces mal aimés, ces « nuisibles », sont mes protégés.

Bien sûr que j’entends « tu es une extrémiste, moi je déteste tel ou tel … ». Et je le comprends mais depuis ma plus tendre enfance rien ne me fait plus mal que de voir tuer un animal. Et pardon si cela vous choque, c’est ma nature.

J’ai été végétarienne quelques années et puis j’ai recommencé à manger la viande. Ca vous parait incohérent ? Mais je me souviens de ma grand-mère qui prenait les poules par les pattes, leur parlait gentiment en les caressant avant de mettre un coup de couteau sec et précis dans le cou, laissant couler le sang pour la sanguette (une recette de pain et d’ail cuit dans le sang) jusqu’à ce que la bête s’évanouisse. Il n’y avait aucune violence, tout était très doux.

Je me souviens aussi du gavage des oies. Je préparais, enfant, les broyats de son et d’ortie et ma grand-mère s’asseyait sur un tabouret et les oies venaient se mettre toutes seules sur ses genoux pour se faire gaver, j’ai le souvenir très doux de l’odeur de ce mélange végétal que les oies adoraient et qui se laissaient masser le cou pour faire descendre la mixture.

J’ai également le souvenir des tueries de cochon, alors là par contre c’est un souvenir d’une grande violence, le cochon attaché sur le dos, presque à la verticale à qui l’on tranche le cou. Et moi n’entendant que les hurlements, des larmes dans les yeux…

J’ai beaucoup souffert de ces exécutions, des chatons tués sous mes yeux en les jetant contre un mur, des animaux abattus d’un coup de fusil pour une raison ou une autre…

Aujourd’hui j’ai conscience de leur rôle dans mon histoire et je remercie chacun d’entre eux et j’ai conscience aussi de l’importance de l’attitude que nous avons quand nous tuons un animal.

Je me souviens du reportage qui m’a donné le « déclic » : c’était une tribu africaine qui avait besoin de manger. Ils ont envoyé sur le fleuve, non pas le chasseur le plus expérimenté, mais l’homme sage du village, le plus âgé, le plus faible aussi. Il s’est mis en lien avec l’Esprit du crocodile et a demandé qu’il leur en soit donné un pour nourrir la tribu.

Improbablement, un crocodile est venu se mettre le long de la pirogue, le sage a alors pris le crocodile par le museau d’un main et l’a ramené sur le rivage ou les hommes forts l’ont tué.

Le crocodile s’est offert à la tribu, qu’il en soit remercié.

Je pourrai vous donner 1000 exemples supplémentaires mais c’est toujours la même histoire, c’est une question de Conscience.

Et ce matin donc à ma conscience est apparu ceci : si ma propension à ne pas tuer semble exagérée c’est parce qu’est gravée au fond de ma mémoire cellulaire la tentative d’avortement à ma conception.

Alors je veux protéger à tout prix… C’est ma réparation et tout comme la fille de Guindal que l’on remet à sa place et que l’on scelle, je scelle un accord avec le Divin en achetant ce terrain. C’est une réparation de ma structure.

Ce lieu est un lieu « Au Service du Vivant ».

Sophie Viescou

« Magysticienne »
46 (Lot), France

4 Comments
  1. Merci Sophie, pour ton texte qui fait écho à certains de mes ressentis lorsqu’il s’agit d’éxécuter une tique ou un moustique. Extrémiste de la Vie. C’est à la fois étrange et vrai…

  2. Merci Cécile, savoir que mes aventures peuvent éclairer d’autres humains est doux à mon coeur.

  3. Merci Sophie, c’est toujours pour moi très doux de te lire. Et cet éclairage est puissant. Force et douceur 😘

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